27 avril 2020
Que dire à l’Église découragée?
Vous avez probablement expérimenté ces trois manques. Mais ce ne sont pas des échecs.
D’abord, cet article est dédié avec reconnaissance à chaque pasteur, chaque diacre et diaconesse, chaque leader et chaque membre d’Église qui a cru en la nécessité d’aimer son prochain et qui a persévéré à travers les années, dans l’adversité, la solitude et la confusion qui peut s’ensuivre. Puis, il s’adresse à tous ceux et celles qui vivent actuellement des doutes quant à leur implication communautaire, ainsi qu’aux autres qui s’y préparent et qui cherchent une dose de réalisme. Enfin, ce texte tient surtout à souligner la fidélité et la souveraineté parfaite de Dieu, de même que leur impact sur nos efforts.
Manque de contextualisation
Il fut une époque où un prophète annonçait son message du haut d’une montagne. Il fut une époque où un apôtre discourait du sein d’une agora. Il fut une époque où un prédicateur prenait la parole du centre de la place publique. Il fut une époque où tant un vendeur qu’un évangéliste passait de porte en porte pour faire des offres révolutionnaires.
Bien qu’il n’y ait pas d’étanchéité complète entre les époques et leurs moyens privilégiés de communication, il y a une réflexion valide à faire autour de nos efforts de contextualisation quand vient le temps de partager le message de Dieu à l’humanité. Son amour, rendu visible et audible par les membres de son corps, est immuable, mais la manière dont il se fait connaître peut grandement varier.
Une Église a partagé avec nous les différentes activités qui ont été mises à l’essai durant les dernières années. Longtemps, ils ont reçu l’aide de JBEQ (aujourd’hui Mouvement Jeunesse) pour faire du porte à porte, mais dans un contexte catholique confessionnel, cette méthode ne fonctionnait pas beaucoup. Ils ont aussi été impliqués dans certaines activités, comme la fête du village. Donc lorsque l’opportunité s’est présentée d’intégrer le cadre de J’aime mon voisin (JMV) à leur élan existant, elle a été accueillie à bras ouverts. Avec le temps, cela a permis, entre autres, de démarrer une belle oeuvre de soutien dans une école de quartier et de concrétiser la présence publique de cette Église.
Cependant, après plusieurs années, le constat a été que la formule originale de JMV n’était pas pleinement adaptée aux besoins de la communauté ou de l’Église. Par exemple, au lieu de faire une semaine complète durant l’été, l’Église songeait plutôt à organiser plusieurs fins de semaines de service au courant de l’année. De plus, les citoyens n’étaient typiquement pas enclins à exprimer leurs besoins, ce qui rendait la méthode d’inscription de moins en moins pertinente. Pour ces raisons, entre autres, l’Église a décidé de prendre une pause de l’approche JMV. Toutefois, les membres continuent de s’impliquer, mais simplement en tant que membres d’une Église servant sa communauté, sans bannière ni chapeau particuliers et sans structure spécifique.
SiJ’aime mon voisin sert comme tremplin pour rendre une Église autonome dans la contextualisation et l’organisation de son implication sociale, l’objectif est certainement atteint!
Cet aboutissement est loin d’être un échec: JMV a servi de tremplin pour qu’un groupe de chrétiens prenne en main ses propres projets de manière autonome! Il est vrai qu’une des raisons évoquées pour lesquelles J’aime mon voisin augmente en popularité est que cela permet de soutenir les Églises qui ne savent pas par où commencer. Mais s’il y en a une qui sait maintenant quoi faire et comment faire, de façon adaptée à son milieu et à son contexte, l’objectif est certainement atteint!
Manque de participation et de connection
Nous avons demandé à différentes Églises ayant fait JMV depuis quelques années ce qu’ils diraient aux gens qui initient eux aussi un tel projet, mais pour lequel la participation ne semble pas au rendez-vous. Que ce soit en région rurale ou urbaine, la réponse est unanime: ça prend du temps.
Ça prend du temps faire des démarches auprès de la ville; ça prend du temps se faire connaître auprès de la communauté; ça prend du temps intéresser l’assemblée à une nouvelle activité et ça prend du temps avant de voir tous ces morceaux s’aligner. Dans une société qui lutte avec l’individualisme, combattre la plaie de l’isolement généralisé ne se fait pas en claquant des doigts.
Que ce soit en région rurale ou urbaine, la réponse est unanime: ça prend du temps.
Il ne faut pas être déçu si l’engouement n’est pas élevé au début. Il n’est pas inhabituel de commencer à l’échelle réduite. En fait, les petits commencements sont une bonne occasion de s’acclimater au fonctionnement et, pour la communauté, d’apprivoiser le concept. Une autre Église, par exemple, a distribué plus de 2500 invitations dans le voisinage et n’a reçu aucun retour. Malgré ce manque de réponse, l’opération a toutefois permis une certaine conscientisation à l’existence de JMV et de l’Église qui l’organise, ce qui est une bonne chose en soi. Par la suite, leurs contacts se sont plutôt faits à travers les organismes locaux ou en collaboration spontanée avec les autorités lors d’un désastre naturel affectant de nombreux concitoyens.
Il faut le dire: si l’on croit pouvoir essayer JMV pour une année seulement et décider de continuer ou non par la suite, il serait mieux de ne pas le faire du tout. En effet, l’avis général semble être qu’il faut plutôt s’engager d’avance à le faire pendant trois ou quatre ans pour observer des changements significatifs ou pour avoir un portrait plus juste de l’arrimage avec sa situation particulière.
Bien souvent, c’est les attentes, au contraire, qui doivent être remises en question plus que les résultats. Un pasteur rappelait l’histoire de Tom Carson, père de Don Carson et ouvrier pour l’Évangile au Québec, qui a annoncé le message du salut toute sa vie sans grands résultats visibles. Il les a plutôt salué de loin, à l’instar des héros de la foi dans l’épître aux Hébreux. La mesure des résultats est facilement un piège. En réalité, on n’a pas à se juger soi-même. L’important est d’être fidèle à Dieu dans son travail: planter, arroser et lui laisser le soin de faire pousser.
Manque de fruits
Dans la même veine que les taux de participation, qui ne sont pas toujours au niveau attendu, les membres de l’Église peuvent se décourager de ne pas voir leurs relations avec leur communauté porter du fruit.
Si ce sont les seules façons de mesurer le succès, il est fort probable que de nombreux projets frôlent la faillite.
Le peu de conversions ou de gens intéressés à la personne de Jésus peut faire questionner la pertinence de JMV comme moyen d’investir le temps et l’argent de l’Église. Effectivement, si ce sont les seules façons de mesurer le succès, il est fort probable que de nombreux projets frôlent la faillite. Voici donc d’autres raisons pour lesquelles un bon nombre d’Églises croient que JMV est une approche pertinente dans le contexte du Grant Mandat.
- C’est un moyen de s’afficher en tant qu’Église et de créer un point de référence pour ceux qui cherchent Dieu.
- C’est un moyen de vivre et de démontrer les implications de l’Évangile en action, notamment l’abandon du confort, l’initiative d’aller vers son prochain, l’acceptation de l’hostilité, ainsi que l’amour et le don de soi inconditionnel.
- C’est un moyen de créer des relations interpersonnelles à long terme dans lesquelles semer et arroser. Ce n’est pas simplement une question de nombre de personnes aidées (ni de personnes converties), mais une question de s’investir de manière suivie et réciproque avec une personne.
- C’est un moyen pour les gens de voir des chrétiens qui rayonnent et qui les aiment, même si cela ne mène pas à des relations durables. Ayant tellement reçu de la part de Dieu, ses enfants débordent d’amour à partager et veulent prendre soin de leur prochain. L’espoir est que ceux qui bénéficient de l’aide soient interpellés par la plus grand source de motivation à l’oeuvre: l’amour de Dieu.
- C’est un moyen, tout simplement, de faire le bien. Peut-être s’en souviendront-ils un jour?
« Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes oeuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera. » (1 Pi. 2.12)
Il est possible que vous ne voyez pas de fruits à vos efforts. La déception et le découragement sont réels. Jésus a porté (et porte encore avec vous) ce même fardeau. Rappelez-vous, cependant, que vous faites aussi partie d’un mouvement multiplicateur plus large que votre propre expérience. Peut-être qu’un membre du corps prend maintenant courage et discute humblement avec ses amis de leurs croyances. Peut-être qu’une nouvelle Église — qui s’est jointe au mouvement en voyant plusieurs autres qui le faisaient — connaîtra une récolte surprenante d’âmes sauvées. Les répercussions sont potentiellement plus grandes que le fruit (ou le manque de fruit) individuellement perçu. Une chose est certaine (et cela, qu’une Église utilise ou non la méthode de JMV pour aimer son voisinage): Dieu sourit devant la fidélité de ses enfants.
JMV est donc un moyen parmi d’autres dont Dieu peut se servir, selon sa volonté et son plan parfait, pour attirer des individus à lui. La pression de performer n’est pas sur nous, mais sur le seul qui peut la supporter et qui se plaît à bien le faire.