Dans le premier film des Avengers, Iron Man et Capitaine America sont sur le jet, ayant tout juste capturé Loki, quand ils se font attaquer par Thor, qui leur enlève Loki. Capitaine America dit alors à Iron Man : « Il nous faut un plan d’attaque.» Iron Man répond alors, en sautant de l’avion: « J’ai déjà un plan : à l’attaque ».

Pour plusieurs d’entre nous, cette scène résume notre approche à la formation de disciples. Quand on se fait dire qu’il serait bien d’avoir un plan de formation, on répond, en sautant de l’avion, qu’on a déjà un plan: « Formons des disciples! ». Nous espérons que notre prédication sera suffisante pour que les gens soient transformés en disciples matures de Jésus-Christ. J’ai été troublé, il y a quelques années, lorsqu’un de mes mentors, un des meilleurs prédicateurs que j’aie entendu dans ma vie, m’a partagé son constat de ses vingt années de ministère et de prédication : les gens sont bien peu transformés par la prédication seule. Nous aimons bien, après tout, en tant que protestant, les slogans contenant le mot « seul ». Peut-être croyons-nous aussi à la formation de disciples par la prédication seule ( by preaching alone) !

En tant que professeur en Nouveau Testament, je suis persuadé de l’importance de la prédication et de la puissance de la Parole de Dieu pour transformer les vies. J’espère que les auditeurs de mes prédications (ou au moins quelques-uns) seront touchés par le Saint-Esprit afin d’appliquer la Parole de Dieu dans leurs vies, même quand l’application est souvent la partie la plus faible de mes sermons. L’espérance n’est malheureusement pas une bonne stratégie. Si nos prédicateurs ont de la difficulté à trouver comment appliquer le texte biblique à la vie des gens, comment pouvons-nous espérer que monsieur et madame « tout le monde» le feront naturellement à la maison ?

Certains diront qu’avoir un parcours de formation de disciples intentionnel est trop mécanique. Il est vrai que l’Église n’est pas une machine. Elle est un organisme organique rempli de gens différents, qui grandissent à des rythmes différents et qui réagissent différemment à de mêmes outils. Mais ce n’est pas parce que quelque chose est organique qu’il n’a pas besoin de planification. Le fermier n’espère pas que les champs produiront des patates par hasard! Il travaille fort et intentionnellement pour en arriver à une récolte fructueuse.« Paul plante, Apollos arrose, mais c’est Dieu qui fait croître. » (1 Corinthiens 3.6).

Plusieurs se demandent où commencer dans un parcours de formation de disciples. Dans le livre Alice au pays des merveilles, Alice s’arrête pour demander par quel chemin passer. Le chat lui répond : « Cela dépend de l’endroit où tu veux aller. » Alice répond qu’elle ne le sait pas. Le chat lui dit alors :« Dans ce cas, peu importe la route que tu prendras !»

Si on ne sait pas ce que l’on veut produire (la destination), on ne peut effectivement pas savoir quel chemin prendre. Cela mène à la formation de disciples accidentelle plutôt qu’intentionnelle. Qu’est-ce que la formation de disciple par accident ? C’est quelqu’un qui grandit en tant que disciple de Jésus malgré nous. Si je ne prends jamais le temps d’enseigner à mes quatre enfants à faire du vélo, il est possible que l’un d’entre eux apprenne par lui-même, mais il est encore plus probable que plusieurs d’entre eux n’en feront jamais, même s’ils connaissent la théorie : s’asseoir, tenir le guidon en équilibre et pédaler. Combien de fois les gens ont-ils essayé en vain de m’expliquer comment il est facile de changer ses pneus de voiture !

Mais qu’est-ce qu’un disciple exactement ? Que désirons-nous produire exactement ? Quelles compétences, quelles connaissances et quels traits de caractère visons-nous de développer dans la vie des gens ?

L’Écriture nous donne déjà trois catégories ou étapes de la vie d’un disciple : petit enfant, jeune et parent (1 Jean 2.12-13). Nous élevons nos enfants à chaque étape de leurs vies, afin de les aider à devenir des adultes capables de voler de leurs propres ailes et les personnes que Dieu les appelle à être.

Nous reconnaissons souvent trois domaines dans lesquels les gens peuvent grandir : le savoir, le savoir-être et le savoir-faire. La connaissance, le caractère et les compétences.

J’aimerais vous suggérer que l’un des plus importants rôles du pasteur est celui de pédagogue. L’Écriture nous dit :

« C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme bergers et enseignants. 12 Il l’a fait pour former les saints […] 13 jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à la maturité de l’adulte, à la mesure de la stature parfaite de Christ. 14 Ainsi, nous ne serons plus de petits enfants, […] » (Éphésiens 4.11-14)

Les dirigeants d’Église sont des formateurs ayant pour but que les disciples ne soient plus des enfants dans la foi mais qu’ils grandissent unis dans la ressemblance à Jésus. J’aimerais lancer quatre idées pour nous aider à former des disciples de façon intentionnelle.

1. Développer une stratégie pédagogique globale de formation de disciples intentionnelle

Quand un Cégep doit créer un nouveau programme de formation, on développe ce que l’on appelle une approche-programme, c’est-à-dire que l’on s’assoit pour discuter de tout ce qu’un étudiant aura besoin pour devenir un ingénieur, un technicien ou un chercheur dans ce domaine. Quels départements devraient contribuer à ce programme ? Quelle est la matière théorique essentielle à transmettre ? Quelles sont les compétences pratiques à développer ? L’approche-programme s’assure que la matière ne sera pas redondante (que l’étudiant ne verra pas seulement l’histoire de Moïse pendant toutes ses années à l’école du dimanche, par exemple) et qu’il existe une cohérence globale. On désire que l’ensemble des activités d’apprentissage (qu’elles visent le caractère, la connaissance ou le développement d’une compétence) soient alignées pédagogiquement, c’est-à dire qu’elles contribuent toutes au but final.

Certaines compétences, par exemple celles qui suivent, seront plus facilement développées chez un disciple par d’autres moyens que la prédication magistrale.

  • Être capable de partager le message de l’Évangile clairement à quelqu’un d’autre;
  • Sortir du cycle des dettes et gérer ses finances à la gloire de Dieu;
  • Élever ses enfants et adolescents selon une approche qui respire la grâce de Jésus;
  • Communiquer sans blesser les autres;
  • Réfléchir de façon biblique aux enjeux éthiques et aux questions importantes auxquels les gens sont confrontés (fluidité du genre, aide médicale à mourir, orientation sexuelle, débat public sur l’avortement, suppression du religieux de la société, liberté d’expression, etc.);
  • Chercher et trouver ses dons spirituels.

Je vous invite à travailler sur une liste des savoirs, savoir-faire et savoir-être à développer pour amener les chrétiens de votre Église à devenir davantage comme Jésus.

Une stratégie globale de formation de disciples consiste à réfléchir sur comment développer ces choses dans la vie des gens de l’Église en utilisant tous les outils à notre disposition. Par exemple, une série sur les dons spirituels peut être jumelée à un atelier qui inclut un questionnaire pour aider les gens à identifier leurs dons. On peut donner un cours de groupe sur les finances personnelles. Pour aider à surmonter les péchés récurrents, on peut avoir un groupe de soutien aux dépendances, ou encore développer des duos ou des trios de chrétiens qui cheminent ensemble dans la prière et le partage. Pour s’assurer que les chrétiens bénéficient d’un survol adéquat de la théologie chrétienne au moins une fois par année, on peut utiliser un catéchisme (un genre de foire aux questions) en capsules de 5 à 7 minutes le dimanche matin ou dans les petits groupes.

2. Demeurer flexible dans notre approche

Il est bon d’établir un plan général qui permet une certaine flexibilité. Selon l’expérience de plusieurs, particulièrement en contexte québécois, il est rare que les gens complètent tout un cycle de formation. Dans les programmes universitaires, certains cours sont obligatoires alors que des cours optionnels sont choisis par les étudiants selon leurs intérêts ou leurs besoins.

Si l’Église était un jardin et les chrétiens des plantes, nous ne prodiguerions pas à celles-ci des soins uniformes. Certaines plantes peuvent requérir de longues heures d’ensoleillement alors que d’autres profitent bien à l’ombre ; certaines demandent beaucoup d’eau tandis que leurs voisines se contentent de peu. Nous devons faire un plan du jardin que nous désirons aménager et acquérir les connaissances qui nous permettront d’arriver au résultat escompté.

Je suggère, comme première étape, d’effectuer avec chacun un survol des bases de la vie chrétienne, et d’expliquer l’importance d’avoir un mentor et d’en devenir un. J’utilise le cours Vie Abondante de Richard Houle depuis plusieurs années. www.proklesia.ca C’est une ressource inestimable pour travailler le cœur, autant des nouveaux croyants que des vétérans de la foi.

3. Ne pas attendre d’avoir le parcours complet ou le matériel parfait pour se lancer

Nous passons parfois plus de temps à travailler sur notre cycle de formation qu’à former des disciples. Oui, c’est bien d’avoir une stratégie et un plan, mais il faut commencer à travailler la terre et à semer des graines. Trouvez un bon matériel de base pour votre formation de disciples individuelle et lancez-vous! À l’automne, choisissez deux ou trois personnes qui ont le potentiel d’en former d’autres et jumelez-les pour continuer le cycle. Recommencez à l’hiver.Vous pourrez éventuellement passer aux étapes suivantes (cours, formations un à un, ateliers, etc.).

4. Éviter de réinventer la roue

Dans l’univers cinématographique Marvel, Tony Stark réalisera qu’il a besoin d’un plan pour relever un défi qu’il ne peut surmonter seul, et qu’il a vraiment besoin d’une équipe pour réussir sa mission. Dans la même optique, SEMBEQ a recensé toutes les ressources utilisées dans les Églises de l’Association pour permettre à tous de connaître ce qui existe déjà. L’énergie nécessaire pour produire du nouveau matériel est l’une des raisons pour laquelle plusieurs Églises n’arrivent pas à faire des disciples. Rares sont les pasteurs qui ont le temps de le faire. Je vous invite à communiquer avec SEMBEQ si vous cherchez des idées de ressources.

J’espère vous avoir communiqué l’importance d’établir une stratégie globale. Cela demande un investissement de temps, mais comme le disait Abraham Lincoln : « Si on me donnait six heures pour abattre un arbre, je passerais les quatre premières à aiguiser la lame. » Puisse le Seigneur nous aider à former des disciples qui se multiplient en enseignant tout le conseil de Dieu.

Jean-Sébastien Morin
Jean-Sébastien est professeur en Nouveau Testament à SEMBEQ. Il est pasteur depuis plus d’une dizaine d’années et l’auteur de plusieurs livres dont Mariés et Heureux ? qui a gagné le Prix des Mots 2016. Il est marié à Katie depuis 15 ans et est le père de quatre jeunes enfants.