Réflexion sur la cadence requise pour accomplir la mission dans le royaume de Dieu
« Tout vient à point à qui sait attendre. »
– RABELAIS (1494-1553), écrivain de la renaissance
« Tout vient à point à qui sait attendre. »
– RABELAIS (1494-1553), écrivain de la renaissance
Depuis toujours, mais encore plus aujourd’hui, notre monde est régi au quart de tour, et les délais ne sont pas tolérés. Un des héritages de la révolution industrielle est l’établissement d’un nouveau rapport entre l’homme, le temps, et la productivité. Désormais, « time is money »! Dès lors, les expressions telles que « les livrables », « les échéanciers », « le rendement », « la productivité », et «la performance » deviennent les indicateurs de succès de l’entreprise humaine. Toutefois, cela n’est pas sans conséquences. Le rendement moderne, de faire plus avec moins, ajoute énormément au stress de la vie, favorise l’impatience, provoque une grande culpabilité, et génère de nombreuses frustrations.Dans notre monde actuel, par exemple, les plantes doivent pousser plus rapidement, la croissance des animaux est accélérée par des moyens artificiels, l’endettement est épidémique, les substituts alimentaires remplacent trop souvent les repas sacrifiés pour le travail. Au cœur de ce problème, il y a une question de contrôle, d’efficacité, de résultats; un danger bien réel d’aller plus vite que ce que Dieu permet en réalité. Et par-dessus tout, nous donnons des outils aux gens pour qu’ils puissent fonctionner dans ce rythme insoutenable. Cette cadence moderne affecte-t-elle notre conception de la mission? Assurément!
Lorsque nous pensons à la façon dont nous concevons les moyens de réaliser la grande commission que Dieu nous a confiée, il y a des évidences de transfert de valeurs de ce monde vers l’Église. Par exemple, nous observons une tendance croissante de stratégies productives d’implantations d’Églises avec des projections statistiques mesurables. Cependant, sous la pression de ces normes de rendement, des implanteurs stressés doivent établir rapidement des assemblées en santé. Le défi est grand, écrasant, culpabilisant car il y a un écart entre la théorie et la pratique. Pourtant, près de 40 ans après leur fondation, les Églises d’Apocalypse 2 et 3 sont encore en processus de maturité. Autre exemple : le rendement de la formation par coaching. Lorsque Paul dit que « celui qui a commencé en vous une œuvre bonne, en poursuivra l’achèvement jusqu’au jour du Christ-Jésus » (Philippiens 1.6), il y a là un indice de la longueur du processus de formation du croyant. Des croissances en mode gavage de chrétiens où l’on apprend plus que l’on ne pratique, contrastent vraiment avec ce que l’Église a vécu au cours de son histoire. La croissance des disciples est un long périple de toute une vie. Pensons à Moïse qui, pendant deux fois 40 ans minimum, a expérimenté les simples leçons que Dieu avait à lui enseigner. Quant à l’apôtre Paul, il s’est écoulé au moins 14 années avant que ne commencent son ministère et les autres étapes de formation que Dieu avait en réserve pour lui.
De même, nous constatons l’impatience qui mène au découragement dans l’évangélisation ou, à tout le moins, à des conversions prématurées. Nous aimons les résultats et les provoquons; et s’ils ne sont pas au rendez-vous, nous nous replions sur nous-mêmes, en Église. Toutefois, c’est le Seigneur qui ajoute chaque jour ceux qui sont sauvés, et seul lui connaît le jour. Même si parfois il semble tarder, et que nos prières sont usées, Jésus se soucie vraiment; il sait, et il n’est jamais en retard pour sauver quelqu’un (Actes 2. 47). Nous devons donc nous reposer dans la souveraineté du Sauveur.
Sommes-nous impatients dans l’œuvre de Dieu? Pressés de productivité populaire mais si pernicieuse? Sans parler du nombre de livres ou de blogues à lire pour être à la page, de cours ou de conférences à suivre, d’émissions ou de documentaires à visionner… Et même dans la prière, nous n’avons plus le temps de méditer, de contempler, d’attendre en silence le secours de l’Éternel (Lamentations 3.26). En présence de Dieu, nous devons être brefs, concis et efficaces car nous avons fort à faire pour le royaume. Une cadence qui reflète plus l’homme que Dieu lui-même. Nous agissons comme de vraies Marthe en puissance…
En présence de Dieu, nous devons être brefs, concis et efficaces car nous avons fort à faire pour le royaume. Une cadence qui reflète plus l’homme que Dieu lui-même.
« Patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage. »
– Le Lion et le Rat dans les Fables de La Fontaine
« Patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage. »
– Le Lion et le Rat dans les Fables de La Fontaine
Si le temps est si précieux, et que nous devions maximiser chaque moment pour fructifier en rendement, pourquoi Dieu place-t-il 400 ans de silence entre l’Ancien et le Nouveau Testament; 40 années au peuple d’Israël dans le désert à tourner en rond; 40 jours à Élie dans le désert avant que Dieu ne lui parle finalement; 4 longs jours avant que Jésus ne vienne ressusciter son ami Lazare? Et que dire de la vie de Jésus : trente années de préparation au ministère et seulement trois années de service actif. De plus, pourquoi Jésus meure-t-il à l’âge de 33 ans alors qu’il aurait bien pu facilement vivre 60 ou 80 ans de ministère fructueux? Vraiment, ses pensées ne sont pas nos pensées (Ésaïe 55.8).
Certains pragmatiques modernes pourraient facilement remettre en question les lentes méthodes de Dieu. Dieu est-il un bon gestionnaire de son temps? Gaspille-t-il le temps? N’est-il pas au courant que le temps est court, que notre vie n’est qu’un souffle, que nous n’avons pas de temps à perdre? Si la mission est immense et le temps compté, alors le Seigneur a-t-il un problème de gestion, de planification, de fidélité dans les objectifs qu’il s’est donné? La vitesse avec laquelle Dieu agit n’est vraiment pas la même que celle des hommes. La Bible révèle une cadence divine assez surprenante lorsque nous la comparons avec les normes de notre société moderne. Le plan de Dieu se développe à son rythme. Dieu n’est pas pressé. Il ne précipite pas ses actions. L’urgence de la mission ne veut pas dire précipitation dans le mandat qu’il nous a confié. Je le répète : Jésus ne ressuscite Lazare que quatre jours après avoir appris sa maladie (Jean 11). Le temps lui appartient. Et que dire de la venue du Messie qui ne survient que des milliers d’années après la chute!
« Sois patient et ne te presse pas trop. Les problèmes sont plus grands lorsqu’on est impatient. Souviens-toi, Dieu aussi est patient. »
– Un père escargot à son fils, Hubert. (Tiré du CD pour enfants : La machine à musique)
« Sois patient et ne te presse pas trop. Les problèmes sont plus grands lorsqu’on est impatient. Souviens-toi, Dieu aussi est patient. »
– Un père escargot à son fils, Hubert. (Tiré du CD pour enfants : La machine à musique)
Dieu est patient et il est lent, tout comme la patience est un fruit de l’Esprit de Dieu (Galates 5.22), une expression divine de grâce et de bonté envers des hommes lents à comprendre, lents à obéir, lents à aimer Dieu. En fait, nous bénéficions de sa lenteur et ce, à plusieurs égards : il est lent à la colère (Nombre 14.18), prolonge sa patience envers les rebelles au temps de Noé (1 Pierre 3.20) tout comme il use de placidité envers les croyants (2 Pierre 3.9). Il donne même un délai pour la repentance de la prophétesse qui séduit les chrétiens de l’Église de Thyatire (Apoc. 2.21). Les expressions, vieilles de plus de 200 ans, comme «Oui, je viens bientôt » (Apoc. 22.20) et « Car encore un peu de temps […] il ne tardera pas » (Hébreux 10.37), témoignent d’une perspective différente de la conception du temps chez Dieu. Il nous faut donc apprendre de Dieu lui-même car il est évident que Dieu n’est pas pressé comme nous; pour lui, un jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour (2 Pierre 3.8).
Notre rapport au temps s’établit sur ce qui nous semble précieux, important. Alors que Dieu travaille la qualité, le monde travaille à la quantité.
Notre rapport au temps s’établit sur ce qui nous semble précieux, important. Alors que Dieu travaille la qualité, le monde travaille à la quantité. Dans un monde post-déluge, où nous vivons la souffrance de la longévité qui a été réduite de 969 ans à 80 ans, il est plus pertinent que jamais de s’accrocher à de sages paroles comme celles du Psaume 90.12 : « Apprends-nous à bien compter nos jours. » L’invitation n’est pas à faire plus, mais à faire bien ce que nous avons à faire dans le temps que Dieu nous accorde. Forcer les choses et presser la cadence qu’il a établies mène à la souffrance. Certains, dans leur précipitation, ont commis des gestes aux conséquences majeures. Abraham, par exemple, qui va vers sa servante au lieu d’attendre le temps de Dieu dans l’accomplissement de la promesse (Genèse 16.2). De même, le roi Saul qui, pressé par le « retard » du prophète Samuel, va précipiter un sacrifice qui va causer sa chute comme monarque d’Israël (1 Samuel 13.8-14).
Ainsi, nous devons non seulement racheter le temps (Éphésiens 5.16), mais également racheter la conception du temps et la vitesse nécessaires pour faire avancer la mission. Les délais font partie des stratégies de Dieu pour former notre caractère, pour éprouver les cœurs, et permettre aux hommes de se repentir. Des « marges temporelles » sont donc incorporées au processus de croissance du royaume de Dieu. Je crois que nous devons premièrement contextualiser bibliquement notre conception du temps et non simplement culturellement. Car c’est à notre différence que les autres sauront que nous sommes ses disciples. Si Dieu nous dit que nous avons « besoin de persévérance pour obtenir ce qui est promis » (Hébreux 10.36), il nous faut accepter que les choses prennent du temps, que les règles du royaume encouragent un rythme mature qui ne précipite pas l’action; ne pas imposer les mains trop rapidement, ne pas arracher l’ivraie avant la fin des temps, ne pas sauter trop rapidement aux conclusions, ne pas se presser d’ouvrir la bouche, ne pas promouvoir trop rapidement un jeune converti dans l’anciennat… Notez que toute cette réflexion n’est pas un plaidoyer pour encourager la paresse mais plutôt la sagesse. C’est en fait un appel à l’action dans la foi en la providence de Dieu, selon une cadence qui n’est pas de ce siècle. Jésus l’a si bien illustré :
«Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette de la semence en terre; qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu’il sache comment»
Notre foi est plus dans le « qui », le Père, le Fils et le Saint-Esprit, que dans le « comment ». Notre confiance est plus dans l’invisible que dans le visible. Notre cadence s’établit plus sur une échelle éternelle que temporelle. Nous avons besoin de persévérance pour obtenir ce qui est promis (Hébreux 10.36). Et si nous faisions les choses à sa façon, à sa cadence, en son temps?