CET ARTICLE EST UNE GRACIEUSETÉ
DE THE GOSPEL COALITION
TRADUCTION FRANÇAISE FAITE PAR CATHERINE CLOUTIER
J’ai grandi à Montréal avec des parents anglophones irlandais et italiens, fréquenté des écoles anglophones et, bien sûr, une église anglophone. Mes parents, même s’ils n’étaient pas bilingues, ont fait de leur mieux pour nous encourager, mon frère et moi, à pratiquer le français. J’ai participé à un programme d’immersion en français et regardé des vidéos éducatifs pour enfants, mais il n’y avait rien à faire : je ne voulais pas parler français. C’était trop difficile et ça me rendait inconfortable, alors j’ai vécu ma vie au Québec dans une bulle.
Aujourd’hui, j’accueille les visiteurs de l’Église du Plateau Mont-Royal et je casse la croûte avec ses membres francophones, dans la langue que j’ai tenté si fort de fuir. Que s’est-il passé?
Apprécier l’endroit où on se trouve
Mon attitude envers le Québec n’a commencé à changer que lorsque j’ai fréquenté l’université. Je me suis impliqué dans un ministère chrétien étudiant et j’ai immédiatement remarqué deux choses :
- La quasi-totalité des étudiants et des leaders provenaient de l’extérieur du Québec et étaient excités à l’idée d’apprendre à parler français.
- Tout le monde semblait en savoir plus sur Montréal et sur le Québec que moi, et les apprécier plus que moi.
Tout ce que je prenais pour acquis et dont je voulais me distancer, eux, le célébraient. J’étudiais peut-être l’histoire dans une université internationale au cœur d’une ville vibrante, mais mon monde était petit; je ne connaissais même pas le portrait complet de ma ville!
Cette époque constituait également un stade critique dans mon cheminement avec Christ, un temps où je me posais des questions et choisissais où j’allais jeter l’encre. Je ne m’étais jamais vraiment senti chez moi au Québec, mais qui devais-je blâmer? Quand j’ai vu l’amour de Dieu mêlé à un amour pour le Québec, je n’ai eu d’autre choix que d’examiner qui j’aimais et où je voulais investir cet amour.
Servir un endroit
Après ma graduation, je suis allé servir à l’étranger avec un ministère chrétien étudiant et, ironiquement, c’est là que mon français à peine fonctionnel s’est grandement amélioré.
Je suis revenu avec un amour pour le Québec qui avait grandi en mon absence. J’étais désormais convaincu d’y être chez moi, et mes anciens élans de fuite vers le Canada anglais avaient été remplacés par une assurance que le Québec avait des besoins et que je devais y être. Mais comment, pour y faire quoi?
Après de nombreuses prières et discussions avec ma fiancée (aujourd’hui mon épouse), nous avons décidé de commencer à servir à l’Église du Plateau Mont-Royal. La vision de l’Église priorisait d’emménager dans le quartier, d’aimer nos voisins et d’investir dans la communauté. Nous avons commencé à mener nos vies aux côtés de cette Église francophone en implantation, et j’ai suivi des cours du soir en français.
Après des semaines de conversations gênantes et hésitantes, j’ai dû me rendre à l’évidence : si j’arrivais à peine à m’exprimer dans la langue, comment allais-je parvenir à partager Christ avec mes voisins, ou même à encourager mes frères et mes sœurs? Étais-je en train de servir ou d’être un fardeau bien intentionné?
Je me questionnais à ce sujet puis j’ai réalisé que la façon visible dont j’étais habitué de diriger serait remplacée par une croissance en grâce; apprendre à en donner et à en recevoir.
Confronté à la grâce
Le Québec a un grand besoin de l’Évangile et, au fond, la raison pour laquelle je fréquente une Église francophone est pour être prêt à partager l’Évangile là où je suis, mais jusqu’à présent, c’est mon propre cœur qui a subi la plus grande transformation.
Dans un contexte anglophone, je me sens confiant et sûr de moi; je suis cultivé et j’aime les débats. Mais quand je parle français, je me sens comme un enfant et j’en viens souvent à en vouloir à Christ qui me pousse à redevenir comme un enfant. Malgré mes protestations, je découvre tranquillement la valeur qu’il y a à mettre de côté mes connaissances et mes compétences. C’est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée à mon âme depuis que j’ai été sauvé par grâce.
Je suis prompt à me justifier et à dire à Dieu : « Regarde tous mes sacrifices, tu ne vois pas combien c’est difficile? » Puis, je vois la grâce patiente de ceux qui m’écoutent bredouiller en français et me corrigent avec douceur et, bien souvent, m’encouragent sans réserve. Personne ne me demande de mériter ma place ou de payer pour les attitudes amères et déplaisantes de mon passé alors, devrais-je seulement parler en anglais pour que la grâce abonde? Pas du tout!
Quand je parle français, je me sens comme un enfant et j’en viens souvent à en vouloir à Christ qui me pousse à redevenir comme un enfant. Malgré mes protestations, je découvre tranquillement la valeur qu’il y a à mettre de côté mes connaissances et mes compétences. C’est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée à mon âme depuis que j’ai été sauvé par grâce.
L’amour bienveillant de mon assemblée d’adoption signifie que je peux accepter la grâce des personnes bilingues et continuer d’améliorer mon français, et croire que ce n’est pas moi qui produis la croissance. Qui peut s’attribuer le mérite d’apprendre une langue de toute façon? Les fruits seront un cadeau que je pourrai partager; tout ce que j’ai à faire, c’est de me présenter et d’utiliser les mots qui m’ont été donnés, que ce soit un dimanche, chez un ami ou dans un café.
J’ai l’intention de prendre un autre cours de français, mais cette fois, ma motivation sera de me rapprocher de mes amis, et non de récupérer ma gloire passée.
Conclusion
Une grande partie de moi souhaite servir de manière visible, et une partie encore plus grande ne veut pas vivre des difficultés. Le français, que j’emploie dans mes fonctions, expose ma faiblesse; me fait sentir petit, mais c’est une image de Jésus que je ne peux ignorer. Il s’est humilié dans l’incarnation, a marché parmi les hommes comme un serviteur, injurié et méprisé – jusqu’à la croix – et s’est élevé dans la gloire de la résurrection. Il a accompli sa mission, et il l’a fait pour les bonnes raisons.
Si quelqu’un veut lutter contre le pouvoir obstiné de l’orgueil et grandir en amour, servir dans une langue seconde n’est pas la seule façon de faire, mais c’est une excellente façon.